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Berthaud hochait la tête.

— Je te l’ai dit, moi je prendrais la petite Raymonde, mademoiselle de Jonquière.

— Mais elle n’a pas le sou !

— C’est vrai, à peine de quoi payer sa nourriture. Mais elle est suffisamment bien de sa personne, correctement élevée, surtout sans goût de dépense ; et c’est décisif, car à quoi bon prendre une fille riche, si elle te mange ce qu’elle t’apporte ? Et puis, vois-tu, je connais beaucoup ces dames, je les rencontre l’hiver dans les salons les plus puissants de Paris. Et, enfin, n’oublie pas l’oncle, le diplomate, qui a eu le triste courage de rester au service de la république et qui fera de son neveu tout ce qu’il voudra.

Ébranlé un instant, Gérard retomba dans sa perplexité.

— Pas le sou, pas le sou, non ! c’est impossible… Je veux bien y réfléchir encore, mais vraiment j’ai trop peur !

Cette fois, Berthaud se mit à rire franchement.

— Allons, tu es ambitieux, il faut oser. Je te dis que c’est un secrétariat d’ambassade… Ces dames sont dans le train blanc, que nous attendons. Décide-toi, fais ta cour.

— Non, non !… Plus tard, je veux réfléchir.

À ce moment, ils furent interrompus. Le baron Suire, qui était passé une fois déjà devant eux, sans les apercevoir, tellement l’ombre les enveloppait, dans ce coin écarté, venait de reconnaître le rire bon enfant de l’ancien procureur de la république. Et, tout de suite, avec la volubilité d’un homme dont la tête éclate aisément, il lui donna plusieurs ordres concernant les voitures, les transports, déplorant qu’on ne pût conduire les malades à la Grotte, dès l’arrivée, à cause de l’heure vraiment trop matinale. On irait les installer à l’Hôpital de Notre-Dame des Douleurs, ce qui leur permettrait de prendre quelque repos, après un si dur voyage.

Pendant que le baron et le chef des brancardiers s’entendaient