Cauterets et de Bagnères donnait aussi quelque animation, des diligences traversaient la ville deux fois par jour ; mais elles arrivaient de Pau par une route détestable, et il fallait passer à gué le Lapaca, qui débordait souvent ; puis, on montait la raide chaussée de la rue Basse, on longeait la terrasse de l’église, ombragée de grands ormeaux. Et quelle paix autour de cette vieille église, dans cette vieille église, à demi espagnole, pleine d’anciennes sculptures, des colonnes, des retables, des statues, peuplée de visions d’or et de chairs peintes, cuites par le temps, comme entrevues à la lueur de lampes mystiques ! Toute la population venait là pratiquer, s’emplir les yeux de ce rêve du mystère. Il n’y avait pas d’incrédules, c’était le peuple de la foi primitive, chaque corporation marchait sous la bannière de son saint, des confréries de toutes sortes réunissaient la cité entière, aux matins de fête, en une seule famille chrétienne. Aussi, comme une fleur exquise poussée dans un vase d’élection, une grande pureté de mœurs régnait-elle. Les garçons ne trouvaient même pas pour se perdre un lieu de débauche, toutes les filles grandissaient en parfum et en beauté d’innocence, sous les yeux de la sainte Vierge, Tour d’ivoire et Trône de sagesse.
Et comme l’on comprenait que Bernadette, née de cette terre de sainteté, y eût fleuri telle qu’une rose naturelle, éclose sur les églantiers du chemin ! Elle était la floraison même de ce pays ancien de croyance et d’honnêteté, elle n’aurait certainement pas poussé ailleurs, elle ne pouvait se produire et se développer que là, dans cette race attardée, au milieu de la paix endormie d’un peuple enfant, sous la discipline morale de la religion. Et quel amour avait tout de suite éclaté autour d’elle ! quelle foi aveugle en sa mission, quelle consolation immense et quel espoir, dès les premiers miracles ! Un long cri de soulagement venait d’accueillir les guérisons du vieux Bouriette,