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BALZAC


La Comédie Humaine est comme une tour de Babel que la main de l’architecte n’a pas eu et n’aurait jamais eu le temps de terminer. Des pans de muraille semblent devoir s’écrouler de vétusté et joncher le sol de leurs débris. L’ouvrier a employé tous les matériaux qui lui sont tombés sous la main, le plâtre, le ciment, la pierre, le marbre, jusqu’au sable et à la boue des fossés. Et, de ses bras rudes, avec ces matières prises souvent au hasard, il a dressé son édifice, sa tour gigantesque, sans se soucier toujours de l’harmonie des lignes, des proportions équilibrées de l’œuvre. On croit l’entendre souffler dans son chantier, taillant les blocs à grands coups de marteau, se moquant de la grâce et de la finesse des arêtes. On croit le voir monter pesamment sur ses échafaudages, maçonnant ici une grande muraille nue et rugueuse, alignant plus loin des colonnades d’une majesté sereine, perçant les portiques et les baies à sa guise, oubliant parfois des tronçons entiers d’escaiier, mêlant avec l’inconscience et la puissance