Page:Zola - Les Mystères de Marseille, Charpentier, 1885.djvu/279

Cette page n’a pas encore été corrigée

laissa le cabriolet à la garde de sa compagne, dans une rue déserte, et alla frapper chez son parent Isnard. Celui-ci fit remiser la voiture en s’engageant à se trouver avec elle, à minuit précis, au haut de la montée de l’Arc. Les deux jeunes gens, quand ces diverses précautions furent prises, se cachèrent jusqu’au soir.

Comme Marius regagnait avec Fine la boutique d’Isnard, où ils devaient attendre la nuit, il se heurta presque dans M. de Cazalis, au détour d’une rue. Il baissa la tête et marcha rapidement. Le député ne le vit pas. Mais le jeune homme se désespéra de cette rencontre, il lui vint de sourdes inquiétudes, il craignit que quelque nouveau malheur n’empêchât, au dernier moment, l’accomplissement de sa tâche. Sans doute, M. de Cazalis était à Aix pour hâter sa vengeance, et peut-être avait-il réussi.

Jusqu’au soir, Marius fut fiévreux. Les idées les plus bizarres lui venaient à l’esprit. Maintenant qu’il avait l’argent, il redoutait de rencontrer d’autres obstacles. Enfin, il se rendit à la prison accompagné de Fine. Il était neuf heures. Les deux jeunes gens frappèrent à la porte massive. Un pas lourd se fit entendre, et une voix grondeuse leur demanda ce qu’ils voulaient :

« C’est nous, mon oncle, dit Fine. Ouvrez-nous.

– Ouvrez-nous vite, M. Revertégat », murmura Marius à son tour.

La voix grogna et répondit sourdement : « M. Revertégat n’est plus ici, il est malade. »

Le guichet se ferma. Marius et Fine restèrent muets et accablés devant la porte close.

Depuis quatre mois, la bouquetière n’avait pas jugé nécessaire d’écrire à son oncle. Elle avait sa promesse, et cela suffisait. Aussi la nouvelle de cette maladie fut-elle un coup de foudre pour elle et son compagnon. Jamais la pensée ne leur était venue que le bonhomme pût être malade. Et voilà que tous leurs efforts se brisaient contre un obstacle imprévu. Ils avaient la rançon de Philippe, et ils ne pouvaient le délivrer.