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frère… D’ailleurs, nous ne pouvons raisonner maintenant. Les faits accomplis nous accablent. Croyez que je suis indigné comme vous, que je comprends toute la mauvaise action de mon frère… Mais, par grâce, hâtons-nous.

– C’est bien, dit simplement l’abbé. J’irai où vous voudrez. »

Ils suivirent le boulevard de la Corderie et arrivèrent au cours Bonaparte, où se trouvait la maison de ville du député. M. de Cazalis, le lendemain de l’enlèvement, était rentré à Marseille, dès le matin, en proie à une colère et à un désespoir terribles.

L’abbé Chastanier arrêta Marius à la porte de la maison.

« Ne montez pas, lui dit-il. Votre visite serait peut-être regardée comme une insulte. Laissez-moi faire, et attendez-moi. »

Marius, pendant une grande heure, se promena avec fièvre sur le trottoir. Il eût voulu monter, expliquer lui-même les faits, demander pardon au nom de Philippe. Tandis que le malheur de sa famille s’agitait dans cette maison, il devait rester là, oisif, dans toutes les angoisses de l’attente.

Enfin l’abbé Chastanier descendit. Il avait pleuré ; ses yeux étaient rouges, ses lèvres tremblantes.

« M. de Cazalis ne veut rien entendre, dit-il d’une voix troublée. Je l’ai trouvé dans une irritation aveugle. Il est allé déjà chez le procureur du roi. »

Ce que le pauvre prêtre ne disait pas, c’est que M. de Cazalis l’avait reçu avec les reproches les plus durs, calmant sa colère sur lui, l’accusant, dans son emportement, d’avoir donné de mauvais conseils à sa nièce. L’abbé avait courbé le dos ; il s’était presque mis à genoux, ne se défendant point, demandant pitié pour autrui.

« Dites-moi tout ! s’écria Marius, désespéré.

– Il paraît, répondit le prêtre, que le paysan chez lequel votre frère avait laissé son cheval, a guidé M. de