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le combat que l’égoïsme et la générosité se livraient en lui.

« Non, décidément ! s’écria-t-il enfin, je ne puis rien donner. »

Armande écrasée dans son fauteuil, sanglotait toujours, d’une façon sourde et déchirée. Cette femme, qui avait connu toutes les joies du luxe et de l’adoration, souffrait cruellement au fond de la boue où elle était tombée. Elle était là, avilie, en face de sa misère et de sa honte, et des désespoirs la prenaient, lorsqu’elle songeait à ses élégances, à ses richesses d’autrefois. Jamais plus elle ne se relèverait, elle allait descendre encore, devenir la dernière des créatures. Et elle se désespérait d’autant plus que son ignominie serait publique. La présence de Sauvaire et de Marius doublait ses remords.

Sa douleur muette touchait étrangement Marius, qui était faible devant les larmes. S’il les avait eus, il aurait donné volontiers les mille francs que demandait l’usurière. Après un silence pénible, il s’adressa à Sauvaire, qui marchait à grands pas dans la pièce, très ennuyé.

« Voyons, monsieur, lui dit-il, il faut sauver cette femme. Ses sanglots plaident sa cause mieux que je ne pourrais le faire... Vous l’aimez, vous ne l’abandonnerez pas dans un pareil désespoir.

– Eh ! oui, je l’aimais, répondit brusquement le maître portefaix, et je crois l’avoir assez montré depuis trois mois. Savez-vous que j’ai déjà dépensé plus de cinq mille francs avec elle... Je ne veux plus rien donner. Tant pis ! elle s’arrangera comme elle pourra... Ce serait mille francs jetés à l’eau. Quel plaisir tirerai-je de cet argent, si je le lui remets ?

– Vous aurez fait une bonne œuvre. L’action qu’elle a commise est honteuse, et je ne cherche pas à l’excuser ; seulement, je crois deviner ce qui l’a poussée à devenir faussaire, je pourrais plaider sa cause.

– Oh ! tout cela ne me regarde pas. Elle a fait ce qu’elle a voulu... Vous voyez bien que je ne me suis