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de toute une vie. On se voit pour la première fois, le hasard vous met face à face, et voilà que le cœur se vide, voilà qu’on se livre tout entier, pris d’une confiance soudaine et irréfléchie. On éprouve une jouissance à se confesser ainsi au hasard ; on trouve une douceur dans cet abandon de soi-même, dans cette entrée brusque d’un inconnu au plus profond de son être.

En quelques minutes, les deux jeunes gens se connaissaient comme s’ils ne s’étaient jamais quittés depuis leur enfance. Ils avaient fini par se mettre côte à côte sur le banc, et ils riaient en frères.

La sympathie naît à la fois des ressemblances et des dissemblances. Le nouvel ami de Daniel s’était sans doute senti attiré vers lui par son visage inquiet, sa gaucherie, son aspect doux et bizarre. Lui qui avait la force et la beauté, il se plaisait à être bon pour les êtres chétifs.

Puis, lorsqu’ils eurent causé, ils se sentirent frères pour la vie. Tous deux étaient orphelins, tous deux avaient choisi l’âpre recherche du vrai