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LES REPOUSSOIRS.

elle-même, et Durandeau, s’il était là, avait de folles envies de se l’attacher à prix d’or. Elle venait rehausser sa beauté, disait-elle ; elle désirait un repoussoir jeune et pas trop laid, n’ayant besoin que d’un léger ornement. Les commis désespérés la plantaient devant un grand miroir, faisaient défiler à son côté tout le personnel. Elle emportait encore le prix de laideur, et se retirait, indignée qu’on eût osé lui offrir de pareils objets.

Peu à peu, cependant, la clientèle se régularisa, chaque repoussoir eut ses clientes attitrées. Durandeau put se reposer dans la jouissance intime d’avoir fait faire un nouveau pas à l’humanité.

Je ne sais si l’on se rend bien compte de l’état de repoussoir. Il a ses joies qui rient en plein soleil, mais il a aussi ses larmes cachées.

Le repoussoir est laid, il est esclave, il souffre d’être payé parce qu’il est esclave et qu’il est laid. D’ailleurs, il est bien vêtu, il donne le bras aux célébrités de la galanterie, vit dans les voitures, mange chez les cabaretiers en renom,