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LES REPOUSSOIRS.

jolie femme à s’appuyer sur le bras d’une femme laide. On allait grandir sa beauté et jouir de la laideur d’une autre. Durandeau est un grand philosophe.

Il ne faut pas croire pourtant que l’organisation du service fut facile. Mille obstacles imprévus se présentèrent. Si l’on avait eu de la peine à monter le personnel, on eut plus de peine encore à satisfaire les clientes.

Une dame se présentait et demandait un repoussoir. On étalait la marchandise, lui disant de choisir, se contentant de lui insinuer quelques conseils. Voilà la dame allant d’un repoussoir à un autre, dédaigneuse, trouvant les pauvres filles ou trop ou pas assez laides, prétendant qu’aucune des laideurs ne s’assortissait à sa beauté. Les commis avaient beau lui faire valoir le nez de travers de celle-ci, l’énorme bouche de celle-là, le front écrasé et l’air imbécile de cette autre : ils en étaient pour leur éloquence.

D’autres fois, la dame était horriblement laide