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LES REPOUSSOIRS.

qu’elles étaient jolies et qu’elles ne pouvaient lui convenir. Mais elles soutinrent qu’elles étaient laides, que c’était pure galanterie et méchanceté de sa part, s’il les déclarait belles. Aujourd’hui, ne pouvant vendre la laideur qu’elles n’avaient pas, elles ont dû vendre la beauté qu’elles avaient.

Durandeau, devant ce résultat, comprit qu’il n’y a que les belles filles qui ont le courage d’avouer une laideur imaginaire. Quant aux laides, jamais elles ne viendront d’elles-mêmes convenir de la grandeur démesurée de leur bouche, ni de la petitesse extravagante de leurs yeux. Affichez sur tous les murs que vous donnerez dix francs à chaque laideron qui se présentera, et vous ne vous appauvrirez guère.

Durandeau renonça aux affiches. Il engagea une demi-douzaine de courtiers et les lâcha dans la ville en quête de monstres. Ce fut un recrutement général de la laideur de Paris. Les courtiers, hommes de tact et de goût, eurent une rude besogne ; ils procédaient suivant les caractères et les positions, brusquement lorsque