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enfin, de pouvoir, avant de quitter la terre, confier à quelqu’un toutes les amertumes amassées. Elle ne se plaignait pas, elle allégeait simplement son cœur des souffrances de ce monde.

— J’ai eu une vie de solitude et de larmes, disait-elle. Il faut que je vous avoue ces choses, mon ami, pour que vous compreniez mes angoisses. Vous ne connaissez de moi que la créature heureuse, vous m’avez mise en plein ciel, en pleine félicité. Hélas ! je ne suis qu’une pauvre femme qui s’est raidie contre le chagrin pendant de longues années. Je me souviens, en pleurant, des joies de ma jeunesse. Que l’enfance était bonne, là-bas, en Provence ! Puis, j’ai été fière, j’ai voulu lutter contre la vie, et je ne suis sortie de la lutte que le cœur en sang.

Daniel écoutait, comprenant à peine, croyant que le délire de l’agonie s’emparait de la mourante.

— J’avais épousé, continua-t-elle, un homme que je ne pus aimer longtemps et qui me rendit bientôt à ma solitude de jeune fille. Dès lors, je