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yeux bleus sont les ombres de celles qui sont mortes d’amour et qui reviennent se promener sur les trottoirs, où elles ont tant aimé. Aussi, la sagesse me venant, je me suis promis de ne plus chercher à connaître leurs demeures ; je préfère croire qu’elles n’en ont pas et qu’elles s’éveillent de la mort, chaque matin, pour mourir de nouveau, chaque soir.

III

Depuis dix ans, je les rencontre toujours aussi jeunes, sans qu’une nouvelle ride ait pu trouver place sur leur visage. C’est à croire qu’elles sont immortelles, dans leur silence. Que de romans j’ai rêvés, par les tendres matinées de mai, lorsque je les suivais, le cœur inquiet et vide ! Elles allaient au soleil, s’éveillant un peu sous les tièdes caresses de l’air ; elles s’arrêtaient même parfois pour respirer et regarder devant elles.