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naïf et que je ne savais pas à quelles créatures mystérieuses j’avais affaire, je m’étais donné la tâche de découvrir le domicile des vieilles aux yeux bleus. Elles irritaient ma curiosité, avec leurs regards morts ; j’avais le besoin de connaître leur vie, et j’étais décidé à monter chez chacune d’elles, comme on monte chez les belles filles qui veulent bien vous conter leur histoire.

Je les ai suivies trois ans, et je n’ai jamais pu savoir d’où elles sortaient ni où elles rentraient. Brusquement, dans une rue, j’en apercevais une. Elle semblait surgir des pavés. Je me mettais à marcher patiemment sur ses talons ; elle, toujours morne, avançait comme poussée par un mouvement d’horloge. Puis, tout à coup, lorsque je m’endormais, bercé par la vue de sa marche lente, elle disparaissait, elle m’échappait. Elle était sans doute rentrée dans les pavés.

Toutes m’ont ainsi glissé entre les mains, et jamais je n’ai pu contenter mes curiosités. Lorsque je songe à la chasse vaine que je leur ai faite, je suis prêt à croire que les vieilles aux