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Elles marchent, baissant la tête, songeuses et remuant les lèvres, ainsi qu’un enfant qui prie. Au fond du chapeau noir, leurs faces sont flétries comme des fruits séchés ; la chair s’est dissoute, la peau seule reste, pareille à un parchemin humide ; et, dans une brume, nagent leurs yeux bleus, comme liquides et morts. Ces yeux ont une douceur effacée, une extase aveuglée et recueillie.

Les vieilles aux yeux bleus ont certainement rapetissé : elles sont redevenues enfants. À les voir passer, lorsque le chapeau noir cache leur visage baissé, on les prendrait pour des petites filles qui vont à l’école ; elles en ont la taille mince, les bras frêles, les allures paresseuses et jeunes. Puis, lorsqu’elles dressent le front, on est épouvanté de voir, sur le corps d’une enfant, cette tête blafarde, creusée, détruite par toute une vie de passion ou de misère.