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vous laisse. Songez à moi parfois, aimez-moi, contentez-moi dans la mort, comme vous m’avez aimée et contentée dans la vie.

Elle disait cela d’une voix si douce et si profonde, que Daniel se remit à pleurer.

— Non, s’écria-t-il, ne me quittez pas ainsi, donnez-moi une tâche à accomplir. Mon existence va être vide demain, si vous en disparaissez brusquement. Pendant plus de dix ans, je n’ai eu d’autre pensée que celle de vous plaire et d’obéir à vos moindres vœux ; ce que je suis, c’est pour vous seule que j’ai voulu le devenir ; vous avez été mon but en toutes choses. Si ce n’est plus pour vous que je travaille, je sens que je vais être lâche. À quoi bon vivre, et pourquoi lutterais-je ! Faites que je me dévoue, faites que je puisse encore vous témoigner ma gratitude.

Tandis que Daniel parlait, une pensée soudaine avait comme éclairé le visage pâle de Mme de Rionne. Elle se mit sur son séant, forte encore, luttant contre la douleur.