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dans sa tâche. Il n’aurait pas veillé sur Jeanne avec un soin si jaloux, s’il ne l’avait pas aimée. En mourant, Mme de Rionne avait dû prévoir l’avenir : elle se disait que Daniel aimerait sa fille, qu’il la garderait en amant, et que, lorsqu’il le faudrait, il saurait se sacrifier et mourir.

Un jour, un doute s’empara de Daniel. Il faillit retomber dans ses angoisses. Il se demanda si la morte n’avait pas eu une pensée secrète, si elle ne lui avait pas donné Jeanne comme épouse. Peut-être ne remplissait-il pas ses derniers désirs en mourant, en mariant sa chère fille à un autre que lui. Son cœur se mit à battre, il sentit la vie rentrer dans son être.

Mais il comprit que cette pensée était une pensée lâche, un dernier cri de sa passion. Il eut un sourire mélancolique, en se rappelant sa laideur, et il se répéta qu’il était né pour toujours aimer et pour jamais n’être aimé. Il avait agi sagement, il avait eu du courage et de la raison. Et le silence se fit de nouveau en lui. Il mourait grand et victorieux.