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pour avoir un cœur ; on se servait de lui comme d’une machine dévouée, on ne se doutait même pas que cette machine pût vivre et aimer pour son compte.

Ainsi il ne vivrait jamais, il ne serait jamais aimé. La pensée de Mme de Rionne se trouvait loin, à cette heure. Daniel était las de son rôle. Toujours frère, jamais amant : cette idée battait dans sa tête.

La crise dura longtemps. Le coup avait été trop rude, trop imprévu. Jamais Daniel n’aurait pu croire que Georges et Jeanne s’entendissent ensemble pour le faire souffrir ainsi. Il n’aimait qu’eux au monde, et voilà qu’ils le torturaient. Il était si heureux la veille ! Cette année qui venait de s’écouler, lui avait donné les seules joies qu’il dût goûter en ce monde. On le poussait de haut, il s’écrasait en tombant. Et il se disait que les mains qui le précipitaient étaient les mains de Georges et de Jeanne.

Par instants, il s’apaisait ; puis, les sanglots l’étouffaient de nouveau, une révolte le jetait à