Page:Zola - Le Vœu d’une morte, 1890.djvu/249

Cette page n’a pas encore été corrigée

de Jeanne était plein de la pensée d’un autre. Il se revoyait dans le petit salon bleu, étudiant le visage de la jeune femme, prenant pour lui les regards affectueux, les tendres sourires ; il se rappelait ses extases, ses espérances, ses confiances sans bornes.

Mensonge tout cela, jeu cruel, duperie atroce ! Les regards affectueux, les tendres sourires étaient pour Georges ; c’était lui que Jeanne aimait, c’était lui qui la rendait douce et bonne. Elle l’avait bien dit : « J’ai cherché autour de moi, et je n’ai trouvé que Georges qui pût m’écrire et m’aimer ainsi. » Lui, Daniel, il n’existait pas ; il était là un simple comparse. On lui avait volé son dévouement, volé son amour, on le dépouillait encore, et il ne lui restait rien, rien que des larmes et la solitude.

Et c’était lui que Jeanne choisissait pour confesser ses tendresses, c’était lui qu’elle chargeait de la donner à un autre ! Il lui fallait encore cette souffrance, cette moquerie dernière. On croyait donc qu’il était trop laid, trop misérable