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lettre, il allait lire sur le visage de Jeanne les émotions qu’elle avait ressenties.

Il étudiait avec ravissement les progrès que l’amour faisait en elle. Il ne songeait pas au réveil. Elle l’aimait, elle était pleine de lui et cela lui suffisait. S’il se nommait, s’il déchirait le voile, elle reculerait peut-être. Il était toujours l’enfant timide, d’une sensibilité exquise, qui craignait le grand jour. Le seul amour qui lui convînt se trouvait être cet amour secret, qui ne l’obligeait point à douter de lui.

Maintenant, il priait Georges de l’accompagner chez Jeanne. Il n’osait plus rester seul avec elle, il aurait bégayé et se serait mis à rougir, croyant qu’elle lisait en lui. Puis, lorsque Georges était là, il pouvait s’isoler : son ami s’entretenait avec Jeanne, tandis qu’il rêvait son amour.

Pendant ces trois mois, Georges, tout en résistant, se laissa aller à aimer la jeune femme, avec cette passion profonde des natures réfléchies.