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elle lui révélait tout l’amour. Jeanne ne lisait pas, elle croyait entendre cet amant inconnu lui crier ses tendresses d’une voix coupée de sanglots. Ce papier était pour elle trempé de sang et de larmes, et elle sentait un cœur battre dans chaque phrase, dans chaque mot.

Un frisson traversa sa poitrine, elle fut emportée au loin. Son âme répondait à cet appel venu d’en haut. Elle montait dans ce monde calme d’où lui arrivait la voix de Daniel. Et elle s’élevait, et elle s’épurait ainsi, dans la religion des tendresses et des dévouements surhumains.

Alors, ayant honte de ses lâchetés, elle se résolut à accepter cette solitude où elle ne serait plus seule. Une fièvre généreuse l’avait prise, et il lui semblait qu’il y avait autour d’elle un souffle ami qui passait sur son front avec de tièdes caresses. Partout, elle aurait maintenant une pensée qui l’accompagnerait, qui la soutiendrait dans ses défaillances. On pouvait la faire pleurer, ses larmes ne viendraient plus du cœur,