Page:Zola - Le Vœu d’une morte, 1890.djvu/223

Cette page n’a pas encore été corrigée

Il trouva Jeanne inquiète, fiévreuse. Ce n’était plus la jeune fille insouciante qui régnait en souveraine, dans son ignorance ; c’était une femme endolorie dont le cœur venait de s’ouvrir pour saigner. Tant que ses affections avaient sommeillé en elle, elle était restée une poupée coquette, qui vivait tranquille en sa froideur railleuse. Mais, maintenant, son cœur parlait haut ; il voulait aimer, et il ne trouvait personne ; il se révoltait, il s’accusait amèrement de s’être trop longtemps endormi.

Le réveil avait été cruel pour Jeanne. Deux ou trois mois après son mariage, elle trouva en elle une âme qu’elle ignorait. Son mari, avec ses instincts bas, sa nature oblique et méchante, lui causa une répulsion qui, tout d’un coup, lui ouvrit les yeux. En comprenant ce qu’était cet homme, elle eut un élan de fierté. Sa mère parla en elle ; son être intérieur grandit, domina, chassa l’être extérieur que les circonstances seules avaient créé. Et le voile se déchira.