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d’une peur subite, près de pleurer sans savoir pourquoi ; puis, comme elle allait crier, elle se mettait à rire, en voyant sa mère rire doucement, et elle reprenait ses jeux, parlant tout bas à un des coins du drap dont elle avait fait une poupée.

Rien n’était plus triste que ce sourire de la mourante. Elle voulait garder Jeanne près d’elle jusqu’à la dernière minute, et elle mentait à la douleur pour ne pas l’effrayer. Elle la regardait jouer, écoutait son babil, se perdait dans la contemplation de cette tête blonde, oubliant qu’elle allait mourir et qu’il lui fallait quitter la chère tendresse. Puis, elle se souvenait, se sentait froide déjà, et l’épouvante la reprenait à la gorge, car son seul désespoir était l’abandon de ce pauvre être.

La maladie avait été implacable envers elle. Un soir, comme elle se couchait, le mal l’avait prise et n’avait pas mis quinze jours pour la réduire à l’agonie. Elle ne s’était plus relevée, elle mourait sans avoir pu assurer l’avenir de Jeanne. Elle