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yeux, et elle descendit en courant, pour vivre dans cet air frais qui gonflait sa poitrine d’une joie inconnue.

Elle redevint enfant. L’existence fiévreuse qu’elle avait menée pendant un hiver, ces soirées brûlantes, cette vie pleine de secousses, avaient passé sur elle comme un orage, agitant sa chair, mais ne pénétrant pas jusqu’à l’âme. Dans les fraîcheurs calmes de la jeune saison, elle retrouva subitement ses gaietés, ses tranquillités de pensionnaire. Il lui sembla qu’elle se trouvait encore au couvent, lorsqu’elle était toute petite et qu’elle courait à perdre haleine sous les arbres du préau. Et ici le préau était toute la vaste campagne, la pelouse et le parc, les îles et les terres qui disparaissaient dans la brume de l’horizon.

Si elle l’eut osé, elle aurait donc à courir et à se cacher derrière les troncs des vieux chênes. C’était tout un réveil de jeunesse. Ses dix-huit ans, dont elle étouffait la turbulence dans les salons, de peur de chiffonner ses dentelles,