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LE VŒU D’UNE MORTE.

vagues dans l’ombre, tachaient de noir les tentures claires ; le tapis, à rosaces bleues, pâlissait peu à peu. La nuit avait déjà envahi le plafond et les coins de la pièce. Il n’y avait plus qu’une longue traînée blanche, qui partait d’une des fenêtres et venait éclairer d’une lueur blafarde le lit, sur lequel madame de Rionne râlait, dans les angoisses de la mort.

À cette heure dernière, dans cette douceur naissante du printemps, cette chambre, où se mourait une jeune femme, avait comme une pitié navrée et recueillie. L’ombre s’y faisait transparente ; le silence y prenait une tristesse indicible ; les bruits du dehors s’y changeaient en murmures de regrets, et il semblait qu’on y entendait des voix lointaines qui se lamentaient.

Blanche de Rionne, la tête appuyée sur des oreillers, se tenait assise les yeux grands ouverts, regardant l’ombre. La clarté pâle éclairait sa face amaigrie ; ses bras nus s’allongeaient sur le drap ; ses mains s’agitaient et tordaient la