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d’elle. Elle connaissait par cœur toutes leurs phrases, et ce jeu la fatiguait ce soir-là. Elle brisait avec impatience la tige d’une rose ; ses épaules nues avaient d’imperceptibles mouvements de dédain. Daniel fut gêné en voyant sa chère fille ainsi décolletée et il se sentit au cœur une sorte de chaleur inconnue qui passa dans chacune de ses veines.

Il trouvait la jeune fille délicieusement belle. Jamais il ne l’avait si bien vue. Elle ressemblait beaucoup à sa mère, et il se rappelait la tête pâle et maigrie de Mme de Rionne, posée sur l’oreiller. Ici, les joues étaient roses, les yeux avaient les flammes vives de la vie, et les souffles légers de la bouche ouvraient délicatement les lèvres.

Il y avait, devant Jeanne, un jeune homme qui se penchait parfois vers elle et qui la cachait alors à demi. Daniel s’irritait contre ce garçon, dont il ne pouvait voir le visage. Il sentait la haine monter dans son cœur. Pourquoi cet inconnu s’approchait-il ainsi de la jeune fille ?