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Il décida donc que Jeanne était une méchante nature et il souffrit horriblement de cette belle découverte. Aussi résolut-il de ne point se faire connaître. Il voulait jouer le rôle d’un gardien invisible, et non celui d’un banal protecteur. D’ailleurs, il comprit que le caractère altier de Jeanne secouerait le joug, si léger qu’il fût. Puis, à vrai dire, s’il lui avait fallu confesser à la jeune fille qui il était et de quelle mission Mme de Rionne l’avait chargé, jamais il n’aurait trouvé l’audace ni les mots nécessaires.

Ce qui l’étonnait, c’était de sentir son dévouement et sa tendresse croître pour Jeanne, depuis qu’il la déclarait mauvaise. Il avait contre elle des colères mêlées d’adoration. Quand il la voyait moqueuse, mettant ses joies dans une robe ou un bijou, il courait s’enfermer dans sa chambre ; puis là, il la retrouvait telle qu’il venait de la quitter, grande, si belle, qu’elle en devenait bonne. Il se jurait alors d’éveiller son cœur, pour pouvoir l’adorer à son aise.