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ne lui en parlait jamais, et elle n’y songeait que lorsqu’elle voyait les mères des autres enfants venir au parloir. Elle sentait bien alors qu’il manquait quelque chose à son cœur, mais elle n’aurait pu dire quoi.

En grandissant, elle s’habitua à la solitude dans laquelle elle se trouvait. Son cœur s’était fermé. Elle devint indifférente, presque méchante. L’esprit lui poussait, un esprit moqueur et agressif, et elle se fit une réputation de raillerie terrible. Toutes les tendresses de sa nature aimante s’endormirent au fond de son être. Il eût suffi, peut-être, d’un baiser pour faire de cette railleuse une femme tendre et dévouée. Mais personne n’était là pour lui donner ce baiser.

Puis, elle sortit du couvent, elle entra à l’école déplorable de Mme Tellier. Il y avait alors deux êtres en elle : la jeune fille moqueuse, l’enfant dédaigneuse et révoltée, et la bonne âme qui s’ignorait elle-même, qui parfois se révélait dans un regard d’une tendresse profonde.