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pure poésie. Claude Bernard regarde évidemment les philosophes, parmi lesquels il se flatte d'avoir beaucoup d'amis, comme des musiciens de génie parfois, dont la musique encourage les savants pendant leurs travaux et leur inspire le feu sacré des grandes découvertes. Quant aux philosophes, livrés à eux-mêmes, ils chanteraient toujours et ne trouveraient jamais une vérité.

J'ai négligé jusqu'ici la question de la forme chez l'écrivain naturaliste, parce que c'est elle justement qui spécialise la littérature. Non seulement le génie, pour l'écrivain, se trouve dans le sentiment, dans l'idée a priori, mais il est aussi dans la forme, dans le style. Seulement, la question de méthode et la question de rhétorique sont distinctes. Et le naturalisme, je le dis encore, consiste uniquement dans la méthode expérimentale, dans l'observation et l'expérience appliquées à la littérature. La rhétorique, pour le moment, n'a donc rien à voir ici. Fixons la méthode, qui doit être commune, puis acceptons dans les lettres toutes Ies rhétoriques qui se produiront; regardons-les comme les expressions des tempéraments littéraires des écrivains.

Si l'on veut avoir mon opinion bien nette, c'est qu'on donne aujourd'hui une prépondérance exagérée à la forme. J'aurais long à en dire sur ce sujet; mais ceci dépasserait les limites de cette étude. Au fond, j'estime que la méthode atteint la forme elle-même, qu'un langage n'est qu'une logique, une construction naturelle et scientifique. Celui qui écrira le mieux ne sera pas celui qui galopera le plus follement parmi les hypothèses, mais celui qui marchera droit au milieu des vérités. Nous sommes actuellement