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le mouvement même de l'intelligence du siècle, Claude Bernard le dit aussi, avec plus d'autorité, et peut-être le croira-t-on. «La révolution que la méthode expérimentale, écrit-il, a opérée dans les sciences, consiste à avoir substitué un critérium scientifique à l'autorité personnelle. Le caractère de la méthode expérimentale est de ne relever que d'elle-même, parce qu'elle renferme en elle son critérium, qui est l'expérience. Elle ne reconnaît d'autre autorité que celle des faits, et elle s'affranchit de l'autorité personnelle.» Par conséquent, plus de théorie. «L'idée doit toujours rester indépendante, il ne faut pas l'enchaîner, pas plus par des croyances scientifiques que par des croyances philosophiques ou religieuses. Il faut être hardi et libre dans la manifestation de ses idées, poursuivre son sentiment et ne pas trop s'arrêter à ces craintes puériles de la contradiction des théories... Il faut modifier la théorie pour l'adapter à la nature, et non la nature pour l'adapter à la théorie.» De là une largeur incomparable. «La méthode expérimentale est la méthode scientifique qui proclame la liberté de la pensée. Elle secoue non seulement le joug philosophique et théologique, mais elle n'admet pas non plus d'autorité scientifique personnelle. Ceci n'est point de l'orgueil et de la jactance; l'expérimentateur, au contraire, fait acte d'humilité en niant l'autorité personnelle, car il doute aussi de ses propres connaissances, et il soumet l'autorité des hommes à celles de l'expérience et des lois de la nature.»

C'est pourquoi j'ai dit tant de fois que le naturalisme n'était pas une école, que par exemple il ne s'incarnait pas dans le génie d'un homme ni dans le