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ne sera plus un fait empirique et isolé, mais un fait scientifique. Ce fait se rattachera alors à des conditions qui le relieront à d'autres phénomènes, et nous serons conduits ainsi à la connaissance des lois de l'organisme et à la possibilité d'en régler les manifestations.» L'exemple devient frappant dans le cas de la gale. «Aujourd'hui que la cause de la gale est connue et déterminée expérimentalement, tout est devenu scientifique et l'empirisme a disparu... On guérit toujours et sans exception quand on se place dans les conditions expérimentales connues pour atteindre ce but.»

Donc tel est le but, telle est la morale, dans la physiologie et dans la médecine expérimentales: se rendre maître de la vie pour la diriger. Admettons que la science ait marché, que la conquête de l'inconnu soit complète: l'âge scientifique que Claude Bernard a vu en rêve sera réalisé. Dès lors, le médecin sera maître des maladies; il guérira à coup sûr, il agira sur les corps vivants pour le bonheur et pour la vigueur de l'espèce. On entrera dans un siècle où l'homme tout-puissant aura asservi la nature et utilisera ses lois pour faire régner sur cette terre la plus grande somme de justice et de liberté possible. Il n'y a pas de but plus noble, plus haut, plus grand. Notre rôle d'être intelligent est là: pénétrer le pourquoi [ou le comment? - voir ci-dessus] des choses, pour devenir supérieur aux choses et les réduire à l'état de rouages obéissants.

Eh bien! ce rêve du physiologiste et du médecin expérimentateur est aussi celui du romancier qui applique à l'étude naturelle et sociale de l'homme la méthode expérimentale. Notre but est le leur; nous voulons, nous aussi, être les maîtres des phénomènes