Page:Zola - Le Roman expérimental, 1902.djvu/25

Cette page n’a pas encore été corrigée

plus tard, je constate dès maintenant que nous devons modifier la nature, sans sortir de la nature, lorsque nous employons dans nos romans la méthode expérimentale. Si l'on se reporte à cette définition: «L'observation montre, l'expérience instruit», nous pouvons dès maintenant réclamer pour nos livres cette haute leçon de l'expérience.

L'écrivain, loin d'être diminué, grandit ici singulièrement. Une expérience, même la plus simple, est toujours basée sur une idée, née elle-même d'une observation. Comme le dit Claude Bernard: «L'idée expérimentale n'est point arbitraire ni purement imaginaire; elle doit toujours avoir un point d'appui dans la réalité observée, c'est-à-dire dans la nature.» C'est sur cette idée et sur le doute qu'il base toute la méthode. «L'apparition de l'idée expérimentale, dit-il plus loin, est toute spontanée, et sa nature est toute individuelle; c'est un sentiment particulier, un quid proprium, qui constitue l'originalité, l'invention ou le génie de chacun.» Ensuite, il fait du doute le grand levier scientifique. «Le douteur est le vrai savant; il ne doute que de lui-même et de ses interprétations, mais il croit à la science; il admet même, dans les sciences expérimentales, un critérium ou un principe absolu, le déterminisme des phénomènes, qui est absolu aussi bien dans les phénomènes des corps vivants que dans ceux des corps bruts.» Ainsi donc, au lieu d'enfermer le romancier dans des liens étroits, la méthode expérimentale le laisse à toute son intelligence de penseur et à tout son génie de créateur. Il lui faudra voir, comprendre, inventer. Un fait observé devra faire jaillir l'idée de l'expérience à instituer, du roman à écrire, pour arriver à la connaissance