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DU ROMAN. 229

ceci remue les philosophies. C’est pourquoi nous nous plaçons au point de vue scientifique, à ce point de vue de l’observation et de l’expérimentation, qui nous donne à l’heure actuelle les plus grandes certitudes possibles.

On ne peut s’habituer à ces idées, parce qu’elles froissent notre rhétorique séculaire. Vouloir intro- duire la méthode scientifique dans la littérature paraît d’un ignorant, d’un vaniteux et d’un barbare. Eh ! bon Dieu ! ce n’est pas nous qui introduisons cette méthode ; elle s’y est bien introduite toute seule, et le mouvement continuerait, même si l’on voulait . l’enrayer. Nous ne faisons que constater ce qui a lieu dans nos lettres modernes. Le personnage n’y est plus une abstraction psychologique, voilà ce que tout le monde peut voir. Le personnage y est devenu un produit de l’air et du sol, comme la plante ; c’est la conception scientifique. Dès ce moment, le psychologue doit se doubler d’un observateur et d’un expérimentateur, s’il veut expliquer nettement les mouvements de l’âme. Nous cessons d’être dans les grâces littéraires d’une description en beau style ; nous sommes dans l’étude exacte du milieu, dans la constatation des états du monde extérieur qui corres- pondent aux états intérieurs des personnages

Je définirai donc la description : Un état du milieu qui détermine et complète l’homme.

Maintenant, il est certain que nous ne nous tenons guère à cette rigueur scientifique. Toute réaction est violente, et nous réagissons encore contre la formule abstraite des siècles derniers. La nature est entrée dans nos œuvres d’un élan si impétueux, qu’elle les a emplies, noyant parfois l’humanité, submergeant

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