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Notre théâtre agonise, depuis qu’on le traite comme les courses, et qu’il s’agit seulement, au lendemain d’une première représentation, de savoir si l’œuvre sera jouée cent fois, ou si elle ne le sera que dix. Les critiques n’obéiraient plus au bon plaisir du moment, ils n’empliraient plus leurs articles d’opinions contradictoires. Dans la lutte, ils seraient bien forcés de défendre un drapeau et de traiter la question de vie ou de mort de notre théâtre. Et l’on verrait ainsi la critique dramatique, des cancans quotidiens, de la préoccupation des coulisses, des phrases toutes faites, des ignorances et des sottises, monter à la largeur d’une étude littéraire, franche et puissante.


II

La théorie de la souveraineté du public est une des plus bouffonnes que je connaisse. Elle conduit droit à la condamnation de l’originalité et des qualités rares. Par exemple, n’arrive-t-il pas qu’une chanson ridicule passionne un public lettré ? Tout le monde la trouve odieuse ; seulement, mettez tout le monde dans une salle de spectacle, et l’on rira, et l’on applaudira. Le spectateur pris isolément est parfois un homme intelligent ; mais les spectateurs pris en masse sont un troupeau que le génie ou même le simple talent doit conduire le fouet à la main. Rien n’est moins littéraire qu’une foule, voilà ce qu’il faut établir en principe. Une foule est une collectivité malléable dont une main puissante fait ce qu’elle veut.

Ce serait un bien curieux tableau, et très instruct