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par des exemples que le mouvement grandit tous les jours. Croit-on arrêter ce mouvement, en faisant remarquer que les conventions subsistent et se déplacent ? Eh ! c’est justement parce qu’il y a des conventions, des barrières entre la vérité absolue et nous, que nous luttons pour arriver le plus près possible de la vérité, et qu’on assiste à ce prodigieux spectacle de la création humaine dans les arts. En somme, une œuvre n’est qu’une bataille livrée aux conventions, et l’œuvre est d’autant plus grande qu’elle sort plus victorieuse du combat.

Le fond de ceci est que, comme toujours, on s’en tient à la lettre. Je parle contre les conventions, contre les barrières qui nous séparent du vrai absolu ; tout de suite on prétend que je veux supprimer les conventions, que je me fais fort d’être le bon Dieu. Hélas ! je ne le puis. Peut-être serait-il plus simple de comprendre que je ne demande en somme à l’art que ce qu’il est capable de donner. Il est entendu que la nature toute nue est impossible a la scène. Seulement, nous voyons à cette heure, dans le roman, où l’on en est arrivé par l’analyse exacte des lieux et des êtres. J’ai nommé Balzac qui, tout en conservant les moyens artificiels de la publication en volumes, a su créer un monde dont les personnages vivent dans les mémoires comme des personnages réels. Eh bien ! je me demande chaque jour si une pareille évolution n’est pas possible au théâtre, si un auteur ne saura pas tourner les conventions scéniques, de façon à les modifier et à les utiliser pour porter sur la scène une plus grande intensité de vie. Tel est, au fond, l’esprit de toute la campagne que je fais dans ces études.