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nuant tout haut les réflexions que ses frères font tout bas :

— Écoutez, nous vendrons, ça vaudra mieux… Si nous nous querellons aujourd’hui, nous nous mangerons demain.

Mais un râle leur fait vivement tourner la tête. Leur mère s’est soulevée, blanche, les yeux hagards, le corps secoué d’un frisson. Elle a entendu, elle tend ses bras maigres, elle répète d’une voix épouvantée :

— Mes enfants… mes enfants…

Et une convulsion la rejette sur l’oreiller, elle meurt dans la pensée abominable que ses fils la volent.

Tous les trois, terrifiés, sont tombés à genoux devant le lit. Ils baisent les mains de la morte, ils lui ferment les yeux avec des sanglots. À ce moment, leur enfance leur revient au cœur, et ils ne sont plus que des orphelins. Mais cette mort affreuse reste au fond d’eux, comme un remords et comme une haine.

La toilette de la morte est faite par la femme de chambre. On envoie chercher une religieuse pour veiller le corps. Pendant ce temps, les trois fils sont en courses ; ils vont déclarer le décès, commander les lettres de faire-part, régler la cérémonie fu-