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de-vie ; et encore pas tout le monde. Aussi les imaginations finissaient-elles par s’exalter, on en arrivait à une véritable dévotion, en face de cette variété inépuisable, dans ce qui soûle. Oh ! se soûler chaque soir avec quelque chose de nouveau, et dont on ignorait même le nom ! Ça semblait un conte de fée, une pluie, une fontaine qui aurait craché des liquides extraordinaires, tous les alcools distillés, parfumés avec toutes les fleurs et tous les fruits de la création.

Donc, le vendredi soir, il y avait sept tonneaux sur la plage. Coqueville ne quittait plus la plage. Il y vivait, grâce à la douceur du temps. Jamais, en septembre, on n’avait joui d’une semaine si belle. La fête durait depuis le lundi, et il n’y avait pas de raison pour qu’elle ne durât pas toujours, si la Providence continuait à envoyer des tonneaux ; car l’abbé Radiguet voyait là le doigt de la Providence. Toutes les affaires étaient suspendues ; à quoi bon trimer, du moment où le plaisir venait en dormant ? On était tous bourgeois, des bourgeois qui buvaient des liqueurs chères, sans avoir rien à payer au café. Les mains dans les poches, Coqueville jouissait du soleil, attendait le régal du soir. D’ailleurs, il ne dessoûlait plus ; il mettait bout à bout les gaietés du kummel, du kirsch, du