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et, de ce bois crevassé, livide, sali des écumes du flot, toute une jeunesse de frêles tiges et de feuilles délicates s’épanouissait, montait, retombait en pluie. Nous devions, en passant, baisser la tête, le front caressé par les branches.

D’autres fois, nous filions au milieu des plantes d’eau ; les nénuphars étalaient leurs épaisses feuilles rondes, nageant comme des échines de grenouilles, et nous arrachions leurs fleurs jaunes, si charnues et si fades, ouvertes à la surface ainsi que des yeux de carpes curieuses. Il y avait encore d’autres fleurs, dont nous ignorions les noms ; une surtout, une petite fleur violette, d’une finesse exquise.

Mais la barque descendait toujours, au milieu du frôlement prolongé des plantes. À chaque instant, elle devait tourner, pour suivre les coudes du petit bras. Et c’était une émotion, car on n’était jamais certain de pouvoir passer. Souvent un banc de sable se présentait. Aussi quel triomphe, quand nous débouchions sans encombre dans un grand bras, en laissant derrière nous l’étroit passage, comme un de ces sentiers des bois, à peine frayés, où l’on a dû se couler un à un, et dont les buissons d’eux-mêmes se referment !