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« Juponeux », pour sa continuelle faim de la femme, pour sa rage d’appétits, qui se satisfaisait n’importe où et n’importe comment, d’autant plus violente, qu’elle pouvait mordre dans un morceau plus gros. Lorsque les officiers et même les simples soldats rencontraient quelque outre de chair, un débordement d’appas, une géante soufflée de graisse, ils s’écriaient, qu’elle fût en guenilles ou habillée de velours : « En voilà encore une pour ce sacré Juponeux ! » Toutes y passaient ; et, le soir, dans les chambrées, on prédisait qu’il s’en ferait crever. Aussi Mélanie, ce beau corps de femme, le prit-elle en entier, avec une puissance irrésistible. Il sombra, il s’abîma en elle. Au bout de quinze jours, il était tombé dans un hébétement d’amoureux gras qui se vide sans maigrir. Ses petits yeux, noyés au milieu de sa face bouffie, suivaient partout la veuve, de leur regard de chien battu. Il s’oubliait, en continuelle extase devant cette large figure d’homme, plantée de cheveux rudes comme des poils. De peur qu’elle ne lui coupât les vivres, comme il disait, il tolérait ces messieurs du divan et donnait sa paie jusqu’au dernier liard. Ce fut un sergent qui prononça le mot de la situation : « Juponeux a trouvé son trou, il y restera. » Un homme enterré !