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s’être excités à entrer chez Mélanie, envahissaient la salle, avec des rires bruyants et gênés. Mais on les recevait d’un air de dignité glaciale ; ils ne voyaient pas la patronne, ou, si elle était là, elle les écrasait sous un mépris de belle femme, qui les laissait balbutiants. Mélanie avait trop d’intelligence pour s’oublier à des sottises. Pendant que la grande salle restait obscure, éclairée seulement dans l’angle où les petits rentiers remuaient mécaniquement leurs dominos, elle servait elle-même ces messieurs du divan, aimable sans licence, se permettant, aux heures d’abandon, de s’appuyer sur l’épaule d’un d’entre eux, pour suivre un coup délicat d’écarté.

Un soir, ces messieurs, qui avaient fini par se tolérer, eurent une surprise bien désagréable en trouvant le capitaine Burle installé dans le divan. Il était, paraît-il, entré le matin boire un vermout, par hasard ; et, seul avec Mélanie, il avait causé. Le soir, quand il était revenu, Phrosine l’avait tout de suite fait passer dans la petite salle.

Deux jours après, Burle régnait, sans avoir pour cela mis en fuite ni le pharmacien, ni le fabricant de vermicelle, ni l’avoué, ni l’ancien magistrat. Le capitaine, petit et large, adorait les grandes femmes. Au régiment, on l’avait surnommé