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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

Cependant, elle avait fini par nouer entre les chandeliers de hauts panaches de feuillage. Elle plia l’escabeau, que Catherine alla porter derrière le maître-autel. Elle n’eut plus qu’à planter des massifs, aux deux côtés de la table. Les dernières bottes de verdure suffirent à ce bout de parterre ; même il resta des rameaux, dont les filles jonchèrent le sol, jusqu’à la balustrade de bois. L’autel de la Vierge était un bosquet, un enfoncement de taillis, avec une pelouse verte, sur le devant.

La Teuse consentit alors à laisser la place à l’abbé Mouret. Celui-ci monta à l’autel, tapa de nouveau légèrement dans ses mains.

— Mesdemoiselles, dit-il, nous continuerons demain les exercices du Mois de Marie. Celles qui ne pourront venir, devront tout au moins dire leur chapelet chez elles.

Il s’agenouilla, tandis que les paysannes, avec un grand bruit de jupes, se mettaient par terre, s’asseyant sur leurs talons. Elles suivirent son oraison d’un marmottement confus, où perçaient des rires. Une d’elles, se sentant pincée par derrière, laissa échapper un cri, qu’elle tâcha d’étouffer dans un accès de toux ; ce qui égaya tellement les autres, qu’elles restèrent un instant à se tordre, après avoir dit Amen, le nez sur les dalles, sans pouvoir se relever.

La Teuse renvoya ces effrontées, pendant que le prêtre, qui s’était signé, demeurait absorbé devant l’autel, comme n’entendant plus ce qui se passait derrière lui.

— Allons, déguerpissez, maintenant, murmurait-elle. Vous êtes un tas de propres à rien, qui ne savez même pas respecter le bon Dieu… C’est une honte, ça ne s’est jamais vu, des filles qui se roulent par terre dans une église, comme des bêtes dans un pré… Qu’est-ce que tu fais là-bas, la Rousse ? Si je t’en vois pincer une, tu auras affaire à moi ! Oui, oui, tirez-moi la langue, je dirai tout à monsieur le curé. Dehors, dehors, coquines !