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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

péraments… N’importe, ils sont bien intéressants tous les deux. Je ne passe pas dans les environs sans leur rendre visite.

Le cabriolet sortait enfin du chemin creux. Là, le mur du Paradou faisait un coude, se développant ensuite à perte de vue, sur la crête des coteaux. Au moment où l’abbé Mouret tournait la tête pour donner un dernier regard à cette barre grise, dont la sévérité impénétrable avait fini par lui causer un singulier agacement, des bruits de branches violemment secouées se firent entendre, tandis qu’un bouquet de jeunes bouleaux semblaient saluer les passants, du haut de la muraille.

— Je savais bien qu’une bête courait là derrière, dit le prêtre.

Mais, sans qu’on vît personne, sans qu’on aperçût autre chose, en l’air, que les bouleaux balancés de plus en plus furieusement, on entendit une voix claire, coupée de rires, qui criait :

— Au revoir, docteur ! au revoir, monsieur le curé !… J’embrasse l’arbre, l’arbre vous envoie mes baisers.

— Eh ! c’est Albine, dit le docteur Pascal. Elle aura suivi notre voiture au trot. Elle n’est pas embarrassée pour sauter les buissons, cette petite fée !

Et criant, à son tour :

— Au revoir, mignonne !… Tu es joliment grande, pour nous saluer comme ça.

Les rires redoublèrent, les bouleaux saluèrent plus bas, semant les feuilles au loin, jusque sur la capote du cabriolet.

— Je suis grande comme les arbres, toutes les feuilles qui tombent sont des baisers, reprit la voix, changée par l’éloignement, si musicale, si fondue dans les haleines roulantes du parc, que le jeune prêtre resta frissonnant.

La route devenait meilleure. À la descente, les Artaud reparurent, au fond de la plaine brûlée. Quand le cabriolet