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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

votre supérieur, Dieu vous dit par ma bouche que l’enfer n’a pas de tourments assez effroyables pour les prêtres enfoncés dans la chair. S’il daigne vous pardonner, il sera trop bon, il gâtera sa justice.

À pas lents, tous deux redescendaient vers les Artaud. Le prêtre n’avait pas ouvert les lèvres. Peu à peu, il relevait la tête, il ne tremblait plus. Quand il aperçut, au loin, sur le ciel violâtre, la barre noire du Solitaire, avec la tache rouge des tuiles de l’église, il eut un faible sourire. Dans ses yeux clairs, se levait une grande sérénité.

Cependant, le Frère, de temps à autre, donnait un coup de pied à un caillou. Puis, il se tournait, il apostrophait son compagnon.

— Est-ce fini, cette fois ?… Moi, quand j’avais votre âge, j’étais possédé ; un démon me mangeait les reins. Et puis, il s’est ennuyé, il s’en est allé. Je n’ai plus de reins. Je vis tranquille… Oh ! je savais bien que vous viendriez. Voilà trois semaines que je vous guette. Je regardais dans le jardin, par le trou du mur. J’aurais voulu couper les arbres. Souvent, j’ai jeté des pierres. Quand je cassais une branche, j’étais content… Dites, c’est donc extraordinaire, ce qu’on goûte là-dedans ?

Il avait arrêté l’abbé Mouret au milieu de la route, en le regardant avec des yeux luisant d’une terrible jalousie. Les délices entrevues du Paradou le torturaient. Depuis des semaines, il était resté sur le seuil, flairant de loin les jouissances damnables. Mais l’abbé restant muet, il se remit à marcher, ricanant, grognant des paroles équivoques. Et, haussant le ton :

— Voyez-vous, quand un prêtre fait ce que vous avez fait, il scandalise tous les autres prêtres… Moi-même, je ne me sentais plus chaste, à marcher à côté de vous. Vous empoisonniez le sexe… À cette heure, vous voilà raisonnable. Allez, vous n’avez pas besoin de vous confesser. Je