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XI


L’abbé Mouret dormit d’un sommeil de plomb. Lorsqu’il ouvrit les yeux, plus tard que de coutume, il se trouva la face et les mains baignées de larmes ; il avait pleuré toute la nuit, en dormant. Il ne dit point sa messe, ce matin-là. Malgré son long repos, sa lassitude de la veille au soir était devenue telle, qu’il demeura jusqu’à midi dans sa chambre, assis sur une chaise, au pied de son lit. La stupeur, qui l’envahissait de plus en plus, lui ôtait jusqu’à la sensation de la souffrance. Il n’éprouvait plus qu’un grand vide ; il restait soulagé, amputé, anéanti. La lecture de son bréviaire lui coûta un suprême effort ; le latin des versets lui paraissait une langue barbare, dont il ne parvenait même plus à épeler les mots. Puis, le livre jeté sur le lit, il passa des heures à regarder la campagne par la fenêtre ouverte, sans avoir la force de venir s’accouder à la barre d’appui. Au loin, il apercevait le mur blanc du Paradou, un mince trait pâle courant à la crête des hauteurs, parmi les taches sombres des petits bois de pins. À gauche, derrière un de ces bois, se trouvait