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LES ROUGON-MACQUART.

tion, il sonne la cloche dans ma carcasse. Alors, je me roule. Ça fait rire tout le paradis.

Il marcha sur l’échine jusqu’au mur ; puis, se dressant sur la nuque, il tambourina des talons, le plus haut qu’il pût. Sa soutane, qui retombait, découvrait son pantalon noir raccommodé aux genoux avec des carrés de drap vert. Il reprenait :

— Monsieur le curé, voyez donc où j’arrive. Je parie que vous ne faites pas ça… Allons, riez un peu. Il vaut mieux se traîner sur le dos, que de souhaiter pour matelas la peau d’une coquine. Vous m’entendez, hein ! On est une bête pour un moment, on se frotte, on laisse sa vermine. Ça repose. Moi, lorsque je me frotte, je m’imagine être le chien de Dieu, et c’est ça qui me fait dire que tout le paradis se met aux fenêtres, riant de me voir… Vous pouvez rire aussi, monsieur le curé. C’est pour les saints et pour vous. Tenez, voici une culbute pour saint Joseph, en voici une autre pour saint Jean, une autre pour saint Michel, une pour saint Marc, une pour saint Mathieu…

Et il continua, défilant tout un chapelet de saints, culbutant autour de la pièce. L’abbé Mouret, resté silencieux, les poignets au bord de la table, avait fini par sourire. D’ordinaire, les joies du Frère l’inquiétaient. Puis, comme celui-ci passait à la portée de la Teuse, elle lui allongea un coup de pied.

— Voyons, dit-elle, jouons-nous, à la fin ?

Frère Archangias répondit par des grognements. Il s’était mis à quatre pattes. Il marchait droit à la Teuse, faisant le loup. Lorsqu’il l’eut atteinte, il enfonça la tête sous ses jupons, il lui mordit le genou droit.

— Voulez-vous bien me lâcher ! criait-elle. Est-ce que vous rêvez des saletés, maintenant !

— Moi ! balbutia le Frère, si égayé par cette idée, qu’il resta sur la place, sans pouvoir se relever. Eh ! regarde,