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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

de vie venait de crever le ciel. Et il dépassait les étoiles.

L’abbé Mouret applaudit furieusement, comme un damné, à cette vision. L’église était vaincue. Dieu n’avait plus de maison. À présent, Dieu ne le gênerait plus. Il pouvait rejoindre Albine, puisqu’elle triomphait. Et comme il riait de lui, qui, une heure auparavant, affirmait que l’église mangerait la terre de son ombre ! La terre s’était vengée en mangeant l’église. Le rire fou qu’il poussa, le tira en sursaut de son hallucination. Stupide, il regarda la nef lentement noyée de crépuscule ; par les fenêtres, des coins de ciel se montraient, piqués d’étoiles. Et il allongeait les bras, avec l’idée de tâter les murs, lorsque la voix de Désirée l’appela, du couloir de la sacristie.

— Serge ! es-tu là ?… Parle donc ! Il y a une demi-heure que je te cherche.

Elle entra. Elle tenait une lampe. Alors, le prêtre vit que l’église était toujours debout. Il ne comprit plus, il resta dans un doute affreux, entre l’église invincible, repoussant de ses cendres, et Albine toute puissante, qui ébranlait Dieu d’une seule de ses haleines.