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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

— Il faut le connaître, le prier, lui rendre à chaque heure les hommages qui lui sont dus, répondit le prêtre.

— Cela te contenterait, n’est-ce pas ? reprit-elle. Tu me pardonnerais, tu m’aimerais encore ?… Eh bien ! je veux tout ce que tu veux. Parle-moi de Dieu, je croirai en lui, je l’adorerai. Chacune de tes paroles sera une vérité que j’écouterai à genoux. Est-ce que jamais j’ai eu une pensée autre que la tienne ?… Nous reprendrons nos longues promenades, tu m’instruiras, tu feras de moi ce qu’il te plaira. Oh ! consens, je t’en prie !

L’abbé Mouret montra sa soutane.

— Je ne puis, dit-il simplement ; je suis prêtre.

— Prêtre ! répéta-t-elle en cessant de sourire. Oui, l’oncle prétend que les prêtres n’ont ni femme, ni sœur, ni mère. Alors, cela est vrai… Mais pourquoi es-tu venu ? C’est toi qui m’as prise pour ta sœur, pour ta femme. Tu mentais donc ?

Il leva sa face pâle, où perlait une sueur d’angoisse.

— J’ai péché, murmura-t-il.

— Moi, continua-t-elle, lorsque je t’ai vu si libre, j’ai cru que tu n’étais plus prêtre. J’ai pensé que c’était fini, que tu resterais sans cesse là, pour moi, avec moi… Et maintenant, que veux-tu que je fasse, si tu emportes toute ma vie ?

— Ce que je fais, répondit-il : vous agenouiller, mourir à genoux, ne pas vous relever avant que Dieu pardonne.

— Tu es donc lâche ? dit-elle encore, reprise par la colère, les lèvres méprisantes.

Il chancela, il garda le silence. Une souffrance abominable le serrait à la gorge ; mais il demeurait plus fort que la douleur. Il tenait la tête droite, il souriait presque des coins de sa bouche tremblante. Albine, de son regard fixe, le défia un instant. Puis, avec un nouvel emportement :

— Eh ! réponds, accuse-moi, dis que c’est moi qui suis allée te tenter. Ce sera le comble… Va, je te permets de