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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

roulaient sur ses mains. Quand elle eut repris haleine, elle dit rapidement :

— Non, laissez. Vous allez tacher votre mouchoir à m’essuyer. Ce n’est rien, quelques piqûres… Je n’ai pas voulu venir par la route, on m’aurait vue. J’ai préféré suivre le torrent… Serge est là ?

Ce nom prononcé familièrement, avec une ardeur sourde, ne choqua point Désirée. Elle répondit qu’il était là, dans l’église, à faire le catéchisme.

— Il ne faut pas parler haut, ajouta-t-elle, en mettant un doigt sur ses lèvres. Serge me défend de parler haut, quand il fait le catéchisme. Autrement, on viendrait nous gronder… Nous allons nous mettre dans l’écurie, voulez-vous ? Nous serons bien ; nous causerons.

— Je veux voir Serge, dit simplement Albine.

La grande enfant baissa encore la voix. Elle jetait des coups d’œil furtifs sur l’église, murmurant :

— Oui, oui… Serge sera bien attrapé. Venez avec moi. Nous nous cacherons, nous ne ferons pas de bruit. Oh ! que c’est amusant !

Elle avait ramassé le tas d’herbes glissé de son tablier. Elle sortit du cimetière, rentra à la cure, avec des précautions infinies, en recommandant bien à Albine de se cacher derrière elle, de se faire toute petite. Comme elles se réfugiaient toutes deux en courant dans la basse-cour, elles aperçurent la Teuse, qui traversait la sacristie, et qui ne parut pas les voir.

— Chut ! Chut ! répétait Désirée, enchantée, quand elles se furent blotties au fond de l’écurie. Maintenant, personne ne nous trouvera plus… Il y a de la paille. Allongez-vous donc.

Albine dut s’asseoir sur une botte de paille.

— Et Serge ? demanda-t-elle, avec l’entêtement de l’idée fixe.

— Tenez, on entend sa voix… Quand il tapera dans ses