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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

Il étudiait toujours le prêtre en parlant. Il ne vit pas même ses paupières battre.

— Enfin, elle t’a soigné, ajouta-t-il plus rudement. Sans elle, mon garçon, tu serais peut-être à cette heure dans un cabanon des Tulettes, avec la camisole de force aux épaules… Eh bien ! j’ai promis que tu irais la voir. Je t’emmène avec moi. C’est un adieu. Elle veut partir.

— Je ne puis que prier pour la personne dont vous parlez, dit l’abbé Mouret avec douceur.

Et comme le docteur s’emportait, allongeant un grand coup de canne sur le canapé :

— Je suis prêtre, je n’ai que des prières, acheva-t-il simplement, d’une voix très-ferme.

— Ah ! tiens, tu as raison ! cria l’oncle Pascal, se laissant tomber dans un fauteuil, les jambes cassées. C’est moi qui suis un vieux fou. Oui, j’ai pleuré dans mon cabriolet en venant ici, tout seul, ainsi qu’un enfant… Voilà ce que c’est que de vivre au milieu des bouquins. On fait de belles expériences ; mais on se conduit en malhonnête homme… Est-ce que j’allais me douter que tout cela tournerait si mal ?

Il se leva, se remit à marcher, désespéré.

— Oui, oui, j’aurais dû m’en douter. C’était logique. Et avec toi ça devenait abominable. Tu n’es pas un homme comme les autres… Mais écoute, je t’assure que tu étais perdu. L’air qu’elle a mis autour de toi, pouvait seul te sauver de la folie. Enfin, tu m’entends, je n’ai pas besoin de te dire où tu en étais. C’est une de mes plus belles cures. Et je n’en suis pas fier, va ! car, maintenant, voilà que la pauvre fille en meurt !

L’abbé Mouret était resté debout, très-calme, avec son rayonnement tranquille de martyr, que rien d’humain ne peut plus abattre.

— Dieu lui fera miséricorde, dit-il.