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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

que ça sentait bon ; tandis que les hommes, au fond, debout sous la tribune, hochaient la tête, à chaque note plus creuse du chantre. Par les fenêtres, le grand soleil de dix heures, que tamisaient les vitres de papier, entrait, étalant sur les murs recrépis de grandes moires très-gaies, où l’ombre des bonnets de femme mettait des vols de gros papillons. Et les bouquets artificiels, posés sur les gradins de l’autel, avaient eux-mêmes une joie humide de fleurs naturelles, fraîchement cueillies. Lorsque le prêtre se tourna, pour bénir les assistants, il éprouva un attendrissement plus vif encore, à voir l’église si propre, si pleine, si trempée de musique, d’encens et de lumière.

Après l’Offertoire, un murmure courut parmi les paysannes. Vincent, qui avait levé curieusement la tête, faillit envoyer toute la braise de son encensoir sur la chasuble du prêtre. Et comme celui-ci le regardait sévèrement, il voulut s’excuser, il murmura :

— C’est l’oncle de monsieur le curé qui vient d’entrer.

Au fond de l’église, contre une des minces colonnettes de bois qui soutenaient la tribune, l’abbé Mouret aperçut le docteur Pascal. Celui-ci n’avait pas sa bonne face souriante, légèrement railleuse. Il s’était découvert, grave, fâché, suivant la messe avec une visible impatience. Le spectacle du prêtre à l’autel, son recueillement, ses gestes ralentis, la sérénité parfaite de son visage, parurent peu à peu l’irriter davantage. Il ne put attendre la fin de la messe. Il sortit, alla tourner autour de son cabriolet et de son cheval, qu’il avait attaché à un des volets du presbytère.

— Eh bien ! ce gaillard-là n’en finira donc plus, de se faire encenser ? demanda-t-il à la Teuse, qui revenait de la sacristie.

— C’est fini, répondit-elle. Entrez au salon… Monsieur le curé se déshabille. Il sait que vous êtes là.