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LES ROUGON-MACQUART.

— Bas les pattes ! cria-t-il. Ah ! c’est toi, calotin ! J’aurais dû te flairer à l’odeur de ton cuir… Nous avons un compte à régler ensemble. J’ai juré d’aller te couper les oreilles au milieu de ta classe. Ça amusera les gamins que tu empoisonnes.

Le Frère, devant le bâton, recula, la gorge pleine d’injures. Il balbutiait, il ne trouvait plus les mots.

— Je t’enverrai les gendarmes, assassin ! Tu as craché sur l’église, je t’ai vu ! Tu donnes le mal de la mort au pauvre monde, rien qu’en passant devant les portes. À Saint-Eutrope, tu as fait avorter une fille en la forçant à mâcher une hostie consacrée que tu avais volée. Au Béage, tu es allé déterrer des enfants que tu as emportés sur ton dos pour tes abominations… Tout le monde sait cela, misérable ! Tu es le scandale du pays. Celui qui t’étranglerait gagnerait du coup le paradis.

Le vieux écoutait, ricanant, faisant le moulinet avec son bâton. Entre deux injures de l’autre, il répétait à demi-voix :

— Va, va, soulage-toi, serpent ! Tout à l’heure, je te casserai les reins.

L’abbé Mouret voulut intervenir. Mais Frère Archangias le repoussa, en criant :

— Vous êtes avec lui, vous ! Est-ce qu’il ne vous a pas fait marcher sur la croix, dites le contraire !

Et se tournant de nouveau vers Jeanbernat :

— Ah ! Satan, tu as dû bien rire, quand tu as tenu un prêtre ! Le ciel écrase ceux qui t’ont aidé à ce sacrilége !… Que faisais-tu, la nuit, pendant qu’il dormait ? Tu venais avec ta salive, n’est-ce pas ? lui mouiller la tonsure, afin que ses cheveux grandissent plus vite. Tu lui soufflais sur le menton et sur les joues, pour que la barbe y poussât d’un doigt en une nuit. Tu lui frottais tout le corps de tes maléfices, tu lui soufflais dans la bouche la rage d’un